Des bibliothécaires plus représentatifs ?

Le dernier numéro de Scandinavian Library Quaterly [en], paru en septembre 2012, propose un article sur la parité dans le métier de bibliothécaire en Suède. Intitulé « Too few male librarians or lack of diversity [en] », et traduit depuis dans le numéro de décembre 2012 de la revue Bibliothèque(s),  l’article se demande pourquoi il demeure une majorité de femmes dans les formations initiales, par ailleurs souvent issues de la culture dominante. Jenny Samuelsson, directrice de la bibliothèque universitaire de Luleå, et auteure de l’article, va encore plus loin, suggérant de manière un peu provocatrice que la profession n’aurait PAS envie de changer et se verrait atteinte de « néophobie », sorte de peur du changement.

Cette diversité de genre et de culture est cependant un point important : les compétences culturelles exigées par des usagers aux besoins aussi hétérogènes que divergents devraient inciter les établissements à recruter une génération de bibliothécaires plus proche de ceux qu’ils servent. L’auteure revient alors sur le stéréotype de la bibliothécaire, si peu représentatif de nos jours du métier si tant est qu’il l’ait jamais été, ne serait-ce avec la diversité des fonctions et compétences requises aujourd’hui dans les bibliothèques. La prégnance de ces stéréotypes, insiste-t-elle, peuvent limiter l’émergence de nouvelles vocations et expliquer en partie le manque d’engouement que le métier suscite, tant parmi les filles que les garçons.

Pour s’opposer à ces stéréotypes, poursuit Jenny Samuelsson, il conviendrait de recruter des agents plus représentatifs en terme de genre, origine ethnique et orientation sexuelle afin de « bousculer la culture normative psychosociale« . Une incitation qui se trouverait, par ailleurs, inscrite dans l’appareil législatif suédois favorisant plus de parité depuis les années 60 et dont la loi sur la Discrimination de 2009 institue la parité dans les établissements publics et lutte contre la discrimination au travail en fonction de l’identité transgenre, l’origine culturelle, la croyance religieuse, l’âge, l’orientation sexuelle ou le handicap.

Stéréotype de la bibliothécaire

On retrouve les mêmes réflexions outre-atlantique où l’article « Reflecting our communities [en] » paru dans le numéro de janvier/février 2012 du magazine American libraries revenait sur l’importance et l’intérêt de compléter ses effectifs par l’embauche de vacataires et de stagiaires étudiants issus de communautés spécifiques,  qu’elles soient ethniques ou selon l’origine sexuelle. Nous aurons l’occasion de revenir sur ces expériences.

L’article évoque ainsi la question de cette représentation dans un cadre universitaire (ici la Brooklyn College Library). Certes, il apparaît difficile de recruter des personnels aussi souvent qu’il le faudrait pour toujours mieux coller à la diversité estudiantine, mais l’une des réponses apportées peut être de travailler directement avec des moniteurs étudiants et des stagiaires en Sciences de l’information et bibliothèques. Aux États-Unis, le cadre universitaire du recrutement facilite une plus large représentation de communautés au sein de ces étudiants.

L’article précise donc qu’il est important de recruter des étudiants issus de communautés diverses car ils facilitent les échanges avec les autres étudiants qui se sentent alors moins réticents à interroger un personnel de la bibliothèque, renforcent les relations que l’institution peut entretenir avec les communautés et favorisent une plus grande ouverture de la bibliothèque (et donc une meilleure représentation).

Minifig Bloggers #2: Cory Doctorow

En France, on retrouve la même volonté d’ouverture et de lutte contre les exclusions et contre les discriminations, du moins dans l’appareil législatif qui vise la mise en œuvre du principe déclaratif de l’égalité de droits pour tous (cf. le portail Discrimi-non [fr]). Mais il est difficile d’étendre ce principe aux recrutements, ne serait-ce parce que, contrairement aux pays scandinaves ou anglophones sus-cités, les recrutements se font suite à l’obtention d’un concours.

Certes, la représentation du métier influe encore probablement sur le genre et la l’origine des candidats qui se présentent aux concours, il n’empêche que peu de lauréats sont issus de la diversité culturelle. Autre exemple, un mémoire d’élève conservateur à l’enssib en 2008 s’est, quant à lui, intéressé à la présence des femmes dans l’encadrement des bibliothèques en France, insistant sur le fait que les hommes occupent les postes les plus importants quand les femmes représentaient 68 % des agents de l’État de la filière des bibliothèques, toutes catégories confondues (cf. Femmes, pouvoir et bibliothèques [fr] de Séverine Forlani).

Afin de modifier cela, il devrait être possible de préciser que les embauches de vacataires en bibliothèque municipale ou de moniteurs en bibliothèque universitaire peuvent résulter d’une préférence territoriale, ce qui permettrait de cibler en priorité les habitants d’un quartier sensible par exemple, même si ce principe essentiellement politique ne peut avoir aucune assise juridique, à ma connaissance. Encore faudrait-il que ces embauches ne soient pas restreintes à des fonctions, comme médiateur culturel, qui, pour être importantes, ne sont pas forcément assimilées par les usagers au corps des bibliothécaires.