Laïcité et égalité : pour une posture professionnelle non discriminatoire

Le rapport « Laïcité et fait religieux dans les bibliothèques publiques » réalisé en septembre 2016 par l’Inspection générale des bibliothèques (IGB) rappelle le rôle fondamental des bibliothèques en terme d’accès à l’information, de construction de l’esprit critique, d’éducation aux médias, de lieu de débat.

Riche d’enseignements à de mutiples niveaux, l’étude mentionne les actions réalisées par différentes bibliothèques autour des thématiques de la laïcité et des valeurs républicaines à la suite des attentats de 2015 en France. Nécessaires et répondant à une attente, les nombreuses conférences ou expositions existants sur ces thématiques touchent cependant essentiellement un public acquis, et aborder la question de manière frontale peut même être contreproductif dans certains contextes, souligne le rapport.

Issue d’une formation-action conduite par plusieurs centres de ressources Politique de la ville (Profession Banlieue à Saint-Denis, Trajectoire Ressources à Montbéliard, Résovilles à Nantes), la synthèse « Laïcité et égalité : pour une posture professionnelle non discriminatoire », menée par Dounia et Lydia Bouzar, aborde la laïcité sous un angle pragmatique. Destinée d’abord au secteur socio-éducatif, les constats de cette synthèse peuvent également être éclairants pour la pratique professionelle des bibliothécaires.

Un double constat sociologique et philosophique

Point de départ du rapport : la laïcité mène concrètement à un double constat.

« – Un constat sociologique : les lois et les normes institutionnelles présentées comme universelles sont en réalité le produit d’une histoire, souvent écrites par des groupes politiquement et historiquement dominants (hommes, blancs, chrétiens, hétérosexuels, classe moyenne, etc.) »

On peut par exemple mentionner que la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ne concerne pas les femmes et les esclaves, fait par ailleurs dénoncé par Olympe de Gouges qui rédigera la déclaration de la femme et de la citoyenne en 1791.

– « Un constat philosophique : puisque les normes sont le produit d’une histoire, elles ne sont pas neutres ce qui veut dire que le système juridique n’incarne pas forcément et automatiquement des normes universelles, même si l’objectif qu’elles poursuivent est universel. »

Partant de ce double constat, l’objectif est alors d’« éliminer l’impact discriminatoire des normes sans pour autant tomber dans des traitements différenciés qui sépareraient les individus les uns des autres selon leur conviction religieuse ». Cela « demande aux professionnels de se questionner sur leurs propres cadres normatifs, qui définissent et orientent leur rapport au monde. Assumer sa propre histoire est un préalable pour permettre à tous de se construire la leur ».

Un fil conducteur : « le plus grand dénominateur commun »

Cette étude montre que « les expérience humaines et les compétences professionnelles permettent aux intervenants socio-éducatifs de mettre l’accent sur ce qui rassemble les usagers, de manière à ce qu’ils ressentent à quel point ils se ressemblent, par delà leurs différences. La cohésion nationale ne se décrète pas uniquement par de grand discours, mais se construit essentiellement par un agir humain partagé. Exactement à l’opposé des discours radicaux. »

A méditer dans le cadre de nos actions en bibliothèques…

Pour aller plus loin

La synthèse complète « Laïcité et égalité : pour une posture professionnelle non discriminatoire »

Le rapport IGB complet :  Laïcité et fait religieux dans les bibliothèques publiques 

Dans un registre plus réglementaire : Les fondamentaux sur la laïcité et les collectivités territoriales/ CNFPT, mai 2015 , notamment le chapitre « La liberté d’expression des convictions religieuses des usagers » (p.52).

Dans un registre plus historique et plus ludique : la BD biographique Olympe de Gouges de Catel et Boquet

 

 

4 réflexions sur “Laïcité et égalité : pour une posture professionnelle non discriminatoire

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  2. Il est surprenant que la Légothèque relaye les travaux de
    Dounia (sa fille) et Lydia Bouzar, [qui ] « aborde [ent] la laïcité sous un angle pragmatique ». https://legothequeabf.wordpress.com/2017/07/04/laicite-et-egalite-pour-une-posture-professionnelle-non-discriminatoire-dounia-et-lydia-bouzar/

    Quelle autorité invoquer en matière de laÏcité, quand ce chercheur revendique son identité musulmane ? quand on sait l’impossibilité d’évaluer ses programmes dits de déradicalisation . Cf David Thomson : « Les programmes de déradicalisation sont une tartufferie »
    http://www.lepoint.fr/societe/david-thomson-les-programmes-de-deradicalisation-sont-une-tartufferie-09-12-2016-2089281_23.php
    Plus grave, comme le rapporte Marianne.net « L’association a été inondée de subventions publiques ; « 900.000 euros depuis dix-huit mois » précise le JDD, et certains, à l’image de la sénatrice centriste Nathalie Goulet, demandent des comptes. Présidente de la commission d’enquête sur les réseaux djihadistes, elle a demandé au ministère de l’Intérieur de lui « fournir un bilan circonstancié des résultats du CPDSI ». https://www.marianne.net/societe/deradicalisation-premier-echec-pour-la-methode-dounia-bouzar
    Achraf Ben Brahim (je n’ai malheureusement plus son livre sous la main,) a fait un juste sorte à cette dame, qui a largement profité des largesses de l’État, en fondant cabinet Bouzar Expertises, et dont les résultats en matière de déradicalisation sont loin des promesses de la chercheuse.
    Achraf Ben Brahim, a vécu dans une cité à Sevran, au moins depuis 2004. On peut le croiser dans le réseau des bibliothèques de Sevran. Quentin Roy, autre sevranais devenu djihadiste (comme une quinzaine de jeunes sevranais), est mort en kamikaze en janvier 2016 sous le nom d’Abou Omar. La disparition brutale de son ami d’enfance a conduit Achraf Ben Brahim à se plonger dans la djihadosphère, expérience qu’il décrit et documente dans son deuxième livre : L’emprise : enquête au cœur de la djihadosphère. Lemieux éditeur, 2017.
    Achraf Ben Brahim (@Achrafbbrahim) | Twitter

    Olivier Perrin

    • Bonjour et merci pour votre commentaire, qui apporte des compléments d’informations sur les auteures et leur approche de la déradicalisation, abordée également dans un récent rapport parlementaire http://www.lemonde.fr/societe/article/2017/02/23/rapport-sur-la-deradicalisation-il-n-y-aura-pas-de-miracle_5084014_3224.html (voir également sur France culture : Déradicalisation : un business pas très sérieux https://www.franceculture.fr/societe/deradicalisation-un-business-pas-tres-serieux). Toutefois, nous ne nous positionnons pas à Légothèque sur la question de la déradicalisation, qui est hors de notre champs de compétence (pour rappel, nous travaillons sur le rôle des bibliothèques en lien avec les questions de genre et l’interculturel). Il s’agit ici de partager la lecture d’un rapport, issu d’une formation-action coordonnée par Douia et Lydia Bouzar et conduite par plusieurs centres de ressources Politique de la ville (Profession Banlieue à Saint-Denis, Trajectoire Ressources à Montbéliard, Résovilles à Nantes), qui nous semble aborder la question de la laïcité de manière concrète et pouvoir apporter des réponses aux bibliothécaires (par ex, des jeunes refusent de fêter Noël si la MJC ne fête pas l’Aïd : on leur propose de fêter un Aid sans références religieuses et ouvert à tou.tes). La synthèse juridique et la bibliographie nous ont également parues tout à fait pertinentes.

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