Quelle place pour l’inclusion à la conférence de l’IFLA ?

La conférence de l’IFLA qui s’est tenue cet été à Rotterdam (Pays-Bas) a été marquée par de très vives discussions autour des questions d’inclusions et de lutte contre les discriminations. Ces thèmes étaient très présents dans les différentes sessions (notamment les questions de décolonisation des collections et les questions d’archives LGBTQI+ : nous aurons prochainement l’occasion d’en reparler) mais aussi est surtout dans les discussions de couloir au sujet de la conférence 2024 dont la ville hôte choisie est Dubaï.

Ce choix s’explique principalement par une volonté de l’organisation de mieux inclure les membres issu.es des pays du Sud global. Le Congrès se tient en effet depuis maintenant des années dans des villes du Nord, ce qui crée une importante barrière économique pour les collègues du Sud, barrière encore renforcée par le durcissement récent des politiques de visa des pays du Nord. Après un appel à candidature ayant obtenu relativement peu de réponses, c’est donc Dubaï que le Conseil d’administration de l’IFAL a choisi comme ville hôte de la conférence 2024. C’était, selon l’IFLA, la seule ville candidate à offrir toutes les garanties nécessaires à la bonne tenue d’un congrès qui peut réunir jusqu’à 4000 collègues..

L’annonce de cette décision au printemps a suscité de nombreuses critiques, les organisations membres pointant les importants problèmes écologiques et de respect des droits humains des Émirats. Ces critiques se sont encore renforcées lorsque Dubaï a précisé que conformément à sa législation, il ne serait pas possible de faire apparaître les questions LGBTQI+ au programme du congrès. De mémoire de bibliothécaire, c’est la première fois qu’une ville hôte intervient de cette façon dans le programme de la conférence ! Comment l’organisation doit-elle répondre à cet acte de censure ?

Très vite, une ligne de fracture assez nette est apparue au sein de l’IFLA entre, d’une part, globalement les membres issus de pays libéraux du Nord qui considèrent qu’accepter les conditions de Dubaï serait créer un dangereux précédent alors que l’organisation a mis la défense de la liberté d’expression et de l’accès à l’information au coeur de son engagement, et, d’autre part, les membres issus de pays défavorisés du Sud qui estiment que l’IFLA doit tout faire pour permettre à des collègues avec des profils plus diversifiés d’accéder au congrès.

A plusieurs reprises, le Conseil d’administration de l’IFLA a ainsi reconnu que cette exclusion des questions LGBTQI+ et, de fait, des collègues LGBTQI+ de la conférence était un problème, mais a considéré qu’il était largement compensé par la plus grande accessibilité de la conférence à des collègues qui en étaient généralement exclu.es pour des raisons politiques, juridiques ou économiques. Cette rhétorique a été largement dénoncée par le groupe d’intérêt spécial « Usagers LGTBQI+ » de l’IFLA.

Beaucoup de membres ont regretté ou ont été choqués que le Conseil d’administration de l’IFLA ait structuré cette discussion sur cette opposition binaire entre l’inclusion des collègues issu.es du Sud et l’inclusion des questions LGBTQI+. Opposer ainsi entre elles des minorités discriminées est une stratégie qui fait reculer l’inclusion.

Légothèque a depuis son origine essayé de construire une réflexion intersectionnelle qui ne hiérarchisait ni n’opposait les différents motifs de discriminations et notre commission ne peut que regretter la façon dont les discussions se déroulent actuellement au sein de l’IFLA.

Reste aujourd’hui à espérer que le nouveau Conseil d’administration qui a pris ses fonctions à l’Assemblée générale de Rotterdam trouvera comment sortir de ce conflit destructeur et comment refaire de l’IFLA une fédération unie autour des valeurs de la liberté d’expression, de l’inclusion et de l’accès de toutes et de tous à l’information.

Une réflexion sur “Quelle place pour l’inclusion à la conférence de l’IFLA ?

  1. Pingback: Tour de veille Septembre 2023 – Légothèque

Laisser un commentaire